rouler avec une ancienne

Rouler avec une ancienne, pas toujours une sinécure !
Quand il s’agit de rouler pour le plaisir, les voitures anciennes ont un charme que peu d’automobiles récentes peuvent leur contester. Mais leur utilisation impose quelques sacrifices qu’il faut avoir à l’esprit avant de se lancer dans l’aventure. Où trouver du carburant, des pneus ? Par qui la faire entretenir ? Comment l’assurer ? Autant de sujets épineux qui viennent grever le budget d’utilisation et rendent l’opération compliquée.

Définition
En premier lieu, il faut faire la distinction entre voiture ancienne et voiture de collection. La frontière entre les deux peut être ténue et dépend le plus souvent de l’état du véhicule et de l’usage que compte en faire son propriétaire. On peut simplifier en disant que les voitures de collections sont en général des véhicules rares, donc de valeur respectable, que leurs propriétaires ne mettront sur la route qu’exceptionnellement. Un état de fait qui peut être sanctionné administrativement par une carte grise spéciale, dite de collection. Pour la faire établir, il faut que la voiture ait plus de 25 ans et obtenir une attestation de conformité délivrée par FFVE, Fédération Française des Véhicules d’Epoque. Ce type d’immatriculation restreint la circulation de l’automobile en question à son département d’immatriculation et aux départements limitrophes. Pour aller plus loin, dans le cadre d’une manifestation par exemple, il faut en faire la déclaration en préfecture trois jours à l’avance et remplir un carnet de déclaration de déplacement. Moyennant quoi, le véhicule n’est plus soumis à toutes les règles du code de la route, celles concernant notamment le contrôle technique périodique obligatoire, une épreuve souvent délicate pour une grand-mère de la route. Il faudra tout de même satisfaire à cette exigence une première fois pour l’obtention de la carte grise collection.

Remise en état inévitable
Si l’objectif est de circuler, sinon tous les jours, du moins régulièrement, le classement en voiture de collection est à proscrire. D’abord parce que ce genre d’utilisation impose, pour un minimum de confort et de fiabilité, de rouler avec une ancienne « pas trop vieille ». Aborder le périphérique parisien ou tout autre voie rapide avec une Ford T est un défi à la raison. L’achat peut être le fruit de la recherche acharnée d’un modèle convoité ou le résultat d’un genre de coup de foudre à la suite d’une rencontre. Quoi qu’il en soit, et avant de se lancer, il faut savoir qu’une remise en état de la voiture de ses rêves est quasiment inévitable. A moins de l’acquérir chez un spécialiste de la restauration qui vous fournira un engin remis à neuf du pare-chocs avant au pare-chocs arrière, avec un tarif en conséquence, toutes les voitures anciennes sont naturellement imparfaites. Leur précédent propriétaire s’en accommodait avec la force de l’habitude, ou s’en sépare pour cette raison ; le nouveau voudra absolument que tout fonctionne.

Première règle donc : n’acheter un véhicule que si il est roulant, c'est-à-dire capable de se déplacer seul, même cahin-caha. C’est la seule garantie qu’il soit complet et l’assurance de pouvoir en jouir tout de suite. Il sera toujours temps de restaurer la mécanique au fil du temps, mais l’expérience prouve que bien peu d’épaves parviennent un jour à reprendre la route.

Par ailleurs, si le choix se présente entre une voiture avec une carrosserie saine et une autre avec une mécanique parfaite, il faut privilégier la carrosserie : il est toujours beaucoup plus facile de rénover un moteur qu’un bas de caisse mangé aux mites ou une baie de pare-brise perforée par la corrosion.

Faciles à vivre les Anglaises ?
La nationalité de l’ancêtre est également à prendre en compte. On dit les Anglaises peu fiables, affublées de défauts récurrents comme des circuits électriques capricieux et à polarité inversée, une visserie nécessitant des outils spéciaux,… Mais ce sont sans doute les voitures pour lesquelles il est le plus facile de se procurer des pièces de rechange, qu’elles soient mécaniques ou de carrosserie. Ce qui est loin d’être le cas pour les vieilles italiennes et même, plus près de nous pour les voitures françaises : des éléments de carrosserie de Peugeot coupé 504 sont virtuellement introuvables !

Au-delà de la remise en état initiale, extrêmement variable en fonction de l’état de la voiture achetée et des exigences de son acquéreur, il faut ensuite prévoir son entretien. L’amoureux de mécanique ancienne possède souvent un bon niveau de compétences en bricolage et ce genre de voiture est beaucoup plus accessibles que les actuelles bardées d’électronique mystérieuse. Les causes de panne sont en général facilement identifiables et un allumage à vis platinées ou un carburateur peuvent être dépannés sur le bord de la route avec minimum d’outillage et de savoir-faire.

Il n’en reste pas moins que l’entretien devra être d’autant plus soigné et régulier que la belle est ancienne. Une vidange tous les 3 000 kilomètres n’est pas superflue pour maintenir un moteur en forme. Même en utilisant de l’huile moderne à haute performance. L’embrayage d’une voiture des années soixante a une durée de vie d’environ le tiers d’une production moderne. Il en va de même des pneumatiques, beaucoup moins résistant, mais que l’on trouve désormais assez facilement dans le commerce. Les manufacturiers lancent périodiquement des campagnes de production d’enveloppes réalisées dans d’anciens moules, respectant les dessins des sculptures d’époque.

Pour des opérations plus complexes, la meilleure solution est de se rapprocher d’un club. Toutes les voitures, de la plus prestigieuse à la plus banale ont leur assemblée de fanatiques qui en connaissent tous les rouages, toutes les astuces et que rien ne ravi plus que de faire partager leur savoir et leurs combines. Ils seront les plus à même pour diriger l’amateur néophyte vers le garage « qui va bien », qui sait où trouver les pièces ad hoc pour prolonger la vie de la belle. Les adresses des clubs de marque, ou même de modèle, sont facilement accessibles sur Internet.

Attention au carburant
Une des opérations les plus banales de la vie d’un automobiliste devra être réalisée avec précaution quand il s’agit d’une voiture ancienne : le plein de carburant. Jusqu’en 1993 et l’arrivée des catalyseurs, les moteurs étaient prévus pour fonctionner à l’essence plombée, un additif –en fait du tétra-éthyle de plomb- qui augmentait l’indice d’octane du carburant et qui avait une action bénéfique sur l’endurance des soupapes. L’interdiction de ce composant à contraint les motoristes à modifier les moteurs afin qu’ils fonctionnent sans inconvénient au super sans plomb. En revanche les moteurs anciens risquent fort de ne pas le supporter. Il est donc impératif, à chaque plein, de verser une dose d’additif dans le réservoir pour préserver la mécanique.

Au-delà des aspects pratiques et matériels, il ne faut pas négliger la partie administrative, voire réglementaire liée à l’usage d’une voiture ancienne. A l’exception de celles qui sont dotées d’une carte grise collection, toutes les automobiles circulant en France, quel que soit leur âge, doivent théoriquement être conformes au Code de la route. Elles doivent notamment être munies du certificat de contrôle technique périodique obligatoire. Une formalité pour les autos récentes ; un Himalaya pour les anciennes ! Allez donc respecter les normes d’émissions polluantes avec une voiture à carburateur de trente ans d’âge ; réussir le test de l’efficacité et de l’équilibre de freinage avec des freins à tambour hors d’âge… Clairvoyant, le législateur a tout de même accordé quelques dérogations aux vétérans, véhicules bien peu nombreux par rapport au parc en circulation et peu susceptibles de mettre la sécurité sur les routes ou la pollution globale en péril. En gros, les voitures ne se voient opposer que les normes qui étaient en vigueur au moment de leur commercialisation. Une circulaire précise même que pour les voitures antérieures au 1er janvier 1956, si les contrôles sont impossibles avec le matériel normalisé, ils peuvent être remplacés par un essai de substitution. En gros, le contrôleur va faire un tour avec l’auto pour vérifier que tout fonctionne normalement. Ce qui ne dispense pas les anciennes d’être en bon état à tout point de vue, notamment en matière de carrosserie. Normalement, une caisse perforée par la rouille ne doit pas être acceptée. Mais il est courant que les inspecteurs fassent preuve de mansuétude : les mamies sont attachantes.

La maréchaussée peut se montrer plus intransigeante, notamment pour ce qui concerne l’usage des ceintures de sécurité. Il faut en effet savoir qu’à partir du moment où une voiture en est équipée, leur port est obligatoire. Même dans le cas où la voiture n’en était pas munie à l’origine et qu’elles on été installées a posteriori, sans enrouleur et donc agaçantes à utiliser. Les ceintures à enrouleur n’ont été rendues obligatoires à l’avant de voitures qu’à partir du 1er octobre 1978. Mais une fois encore, les voitures anciennes, pour peu qu’elles n’aient pas l’air d’un épave et qu’elles soient utilisées avec discernement, ont l’art d’attirer la sympathie plus que les foudres des forces de l’ordre ou de la population. C’est là un des plaisirs qu’il y a à circuler à leur volant.